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22/11/2009

Cinéma: Le concert

Un petit coup de blues en  ce dimanche grisou de novembre ?
Quand le ciel est si bas et l’humidité de l’air si dense qu’on pourrait toucher les gouttes en suspension, il nous reste deux choix : rester sous la couette, surtout si l’on y est en bonne compagnie, ou aller chercher du réconfort et du rêve sur la toile…du cinéma.
Pour notre part, nous avons testé mardi dernier Le Concert, de Radu Mihaileanu, alléchés par les divers conseils de  Simone et d'Annick. Et nous avons passé une excellente soirée…Donc, ce programme convient parfaitement bien à l’ambiance brumaire de cet automne.



Une fois encore, Radu Mihaileanu s’attache à un sujet qu’il connaît du plus intime de sa vie, puisqu’il est lui-même  fils d’un journaliste juif et communiste, victime des camps durant la seconde guerre mondiale. Imprégné sans nul doute des leçons paternelles,  Radu, né en Roumanie en 1958,  a fui en 1980 de régime Ceaucescu. Un passage en Israël nourrira ses inspirations futures, mais c’est en France qu’il se forme aux arts cinématographiques, en suivant les cours de l’IDHEC. Son premier long-métrage s’intitule Trahir (1993) et met en scène les démêlés d’un poète roumain avec le régime stalinien… Son second long-métrage, Train de Vie,   a eu l’heurt d’être très remarqué, aussi bien  à Venise qu’au festival de Sundance, (l’académie du cinéma fondée notamment par Robert Redford, à l’opposé des critères d’Hollywood,). Dorénavant reconnu comme cinéaste auteur, Radu Mihaileanu a encore créé un opus touchant et délicat  avec Va, vis et deviens en 2006. Ces films témoignent d’une habileté à se servir d’une émotion retenue, teintée  d’un humour au second degré, mélange d’autodérision et de cocasserie.

Le concert se situe au premier chef dans la veine franchement comique. La charge du système soviétique rappelle les meilleurs moments du dictateur de Charlie Chaplin…Mais dans le dernier tiers de l’histoire, nous dérivons insensiblement vers l’émotionnel et le film s’achève entre ses deux versants, rire et émotion, de sorte qu’il apparaît comme inclassable. Comédie émotive ou mélo humoristique ? Ni l’un ni l’autre sans doute, mais l’ensemble constitue une  œuvre grand public  qui mérite amplement le succès déjà inscrit à son palmarès. Dès sa sortie la semaine dernière, il était en tête  des sorties de la semaine. 

Andrei Filipov  ( Aleksei Guskov, excellent !) est une des innombrables victimes de la censure des années Brejnev, ère de glace du communisme russe.  Ayant refusé d’abandonner ses musiciens juifs,   ce chef d’orchestre  a été interdit d’exercice et doit gagner misérablement sa vie en qualité d’homme de ménage dans le théâtre même où il a été déchu. Humiliation suprême, lui dont la vie est faite de musique, doit nettoyer les lieux où d’autres exercent leurs talents. Un hasard lui permet un jour de subtiliser une invitation émanant  du Châtelet, à Paris, où il a joué du temps de sa splendeur…  La comédie est en marche, avec ses invraisemblances qu’il faut accepter de bon cœur, comme le code fondamental de la comédie. Nous entrons dans le registre du farfelu, avec ses critères : l’amitié inconditionnelle des compagnons d’infortune, les coups de gueule, la dénonciation du système des apparatchiks, qui paient les figurants pour faire foule, aussi bien pour grossir les pseudos manifestations que pour établir la notoriété au cours des mariages… Entre en scène alors une cohorte d’individus plus débrouillards et sans scrupules les uns que les autres, du pointilleux censeur, corrompu comme les autres, aux « roms » haut en couleurs, trafiquants en tout genre et musiciens instinctifs… La comédie s’envole vers une intrigue totalement  fantasmatique, que la mise en scène colorée et mouvementée entraîne dans une sorte de musicothérapie par le rire. Au passage, tout le monde en prend pour son grade: le système soviétique épinglé par tous les bouts : administration désuète et inefficace, double casquette des petits chefs, système économique déstructuré, grandes et petites affaires se résolvant grâce à l’article 22, celui qui dit :" dém… merde-toi, oh pardon, aide-toi et le ciel…fera de son mieux… " Mêmes les caractères caricaturaux des juifs y sont repris à la sauce Rabbi Jacob cette fois.  Apparaît enfin le personnage pur de cette histoire, la violoniste française Anne Marie Jaquet, interprétée par Mélanie Laurent, qui prête à son personnage sa frêle silhouette gracile. À partir du lien supposé entre la musicienne française et le chef d’orchestre déchu, le spectateur entrevoit une nouvelle dimension à cette comédie digne de Gérard Oury. Je me garderai de vous en dire davantage afin de laisser  le champ libre à votre imagination … Sachez seulement que le courant émotionnel  ne prend pas brutalement le relais sur la comédie loufoque mais s’intègre progressivement au récit, sans rompre la farce. Sortez vos mouchoirs pour éponger vos larmes de rire mêlées aux larmes  d’attendrissement et laissez-vous embobiner par cet énorme canular. En ces temps moroses où même le sport a perdu son lustre et sa noblesse, il est recommandé de s’octroyer une large rasade de franche rigolade incluant l’autodérision en dose homéopathique "slavatrice".
Un dernier mot pour signaler les interprètes du film, tous plus heureux les uns que les autres d’endosser leurs personnages, de François Berléand à Lionel Abelanski, sans oublier Miou Miou égale à elle-même, même si son rôle paraît plus anecdotique.