06/06/2009
Parfaits Cathares (3)
Ce Samedi, notre cheminement emprunte des noms de rébus, aux consonances étranges, d’un autre temps, d’une autre terre. Nous entrons en plein cœur du Pays Cathare, au centre de notre projet, sous l’éclairage de l’ouvrage de T. Zayek, jeune historien qui publie sa thèse, quasiment à compte d’auteur, aux Éditions des Corbières, et que nous avons rencontré brièvement sur le marché de Narbonne. Il a intitulé son fascicule Le Catharisme, Une Église médiévale, sous titré origines, essor et persécution.
Voilà de quoi nous familiariser avec cette page de l’histoire et dévider le fil mental de nos pérégrinations. T. Zayek nous propose une analyse synthétique du développement et de l’imprégnation de l’idéologie cathare, issue du catholicisme et de son expansion autant spirituelle que politique au Moyen-âge. Ce Moyen-âge, qui est tout, sauf « moyen », pour répondre à une appellation fallacieuse, correspondant évidemment au regard des historiens du XIXème siècle. Les mille années que nous avons pris l’habitude de regrouper sous ce titre réducteur, ont vu se succéder tant d’événements, tant de barbarie, de guerres, de prises de pouvoir, d’abus, de crimes légitimés par des institutions en perpétuel devenir, elles ne peuvent pas constituer une page globale de l’humanité.
Le Catharisme naît vers l’an mil, au milieu du dit « moyen-âge », à partir d’influences Bogomiles, originaires des confins orientaux de l’Europe. Cette philosophie du catholicisme fait son nid sur l’évolution des mentalités, entre idéaux religieux, rejet des excès ostensibles de l’Église de Rome et prémices d’un polissage social par l’émergence de codes culturels, le fameux Trobar, ensemble de raffinements poétiques, de « tendances » dirait-on aujourd’hui, prescripteur du « fin amor »véhiculé notamment par les troubadours. Il faudra bien deux siècles pour que cette marque de l’évolution s’ancre dans la société médiévale, d’abord parce qu’elle ne peut concerner qu’une part restreinte de la population d’alors, les nobles privilégiés, de par son mode de transmission, et parce qu’il y a des frontières difficiles à franchir entre les champs de bataille et les cours des seigneuries médiévales.
C’est donc au cœur du Pays d’Oc que le catharisme trouve une source de jouvence et de croissance. La géopolitique renseigne bien sur les paramètres qui peuvent aider à la rencontre de « dissidences ». Nous sommes en contrée d’Oc, en un pays étranger au Royaume de France encore bien restreint, fragile, à la langue peu familière, à la réalité difficilement tangible. Impossible d’imaginer appartenir à un ensemble fort et uni. On a été soumis depuis des siècles à tant d’autres dominateurs, venus brutalement, évincés tout aussi soudainement : les Wisigoths, les Andalous, même les Toulousains, ces « cousins » pourrait-on dire, dont on se défie quand même, car les tutelles pèsent. Les villages, autour des bastions multiples de la contrée, sont isolés. Les communications ne sont guère faciles et très bien protégées dans ce pays accidenté. D’un pic rocheux à l’autre, on voit bien comment les défenses, les surveillances se sont multipliées : il suffit de se positionner comme ce soir à Queribus, pour convenir que les hommes de Peyrepertuse, à 4 km de là à vol d'oiseau, ne perdaient rien des mouvements, entrées et sorties de sa sœur jumelle. On voit bien ce réseau étroit de garnisons nichées au fait des promontoires disséminés sur tout le territoire. On comprend bien aussi le repli sur soi quand on songe aux difficultés extrêmes pour accéder à de telles éminences, sous un soleil de plomb, au milieu d’un maquis végétal parfois impénétrable. L’Homme s’est bien battu pour y établir son art de vivre et apprivoiser les versants abrupts des aiguilles rocheuses, mais il est aisé d’imaginer combien le combat fut ardu, long, pénible.
Petite illustration de l'accès à Peyrepertuse
et des voies de communication :
Depuis la forteresse de Queribus, les contreforts de Peyrepertuse et une idée du panorama.
D’Aguilar où l’on retrouve le sommet immaculé du Canigou qui nous tient en garde
à Padern,
localité installée au confluent du Verdouble et du Torgan, en contrebas des ruines ci-dessus, nous gagnons enfin Villerouge-Terménès, dernière étape de la matinée.
Une cité typique, que tout visiteur reconnaîtra comme emblématique. De son église ceinte du cimetière, au château qui se profile sur son tertre :
Nous déambulons dans les ruelles d’un calme monacal avant d’accéder à l’intérieur du château, dont l’état de restauration est édifiant. La visite, qui se poursuit à l’aide d’audioguide, est justement axée sur l’esprit de résistance des cathares, elle est en outre illustrée, sous forme de films vidéos, par la vie , l’arrestation, puis le procès de Bélibaste, paysan converti, Parfait irréductible, martyr emblématique d’une cause perdue par forfaiture.
charpente
Il n'est bonne compagnie qui ne se quitte. Laissons à Villerouge-Terménès les spectres d'autrefois, et songeons un peu aux réalités. Il s'agit de reprendre des forces et nous savons que la côte de boeuf achetée la veille nous attend au gîte. Il faut bien aussi goûter au Byrrh, préparer le barbecue, profiter de la terrasse aménagée… Hummm, vous êtes autorisés à imaginer…
17:29 Publié dans O de joie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : récit de voyage, aude, pays cathare, cucugnan | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer