Berceau des civilisations…(2) (19/07/2011)
Souris-fidèles rassurez-vous, je n’ai nulle intention de vous présenter le guide complet de nos visites. Soit, vous êtes fans et vous avez de longues dates traîné vos cothurnes dans les champs de reliques…
Mais tant qu’à évoquer les Merveilles de la planète, je ne saurais conserver égoïstement les images du monde révolu sans lequel notre société actuelle n’aurait pas eu la moindre chance d’émerger. À l’époque du collège, quand ce sont les programmes scolaires qui entrouvrent nos esprits perméables à l’infinité des perspectives de l’histoire, nous engrangeons des rêves et des concepts. Mais comment donner corps, visages, sensations et reliefs aux ombres évoquées ? L’ère du tourisme saisonnier offre cet avantage de permettre à chacun de saisir le bout de quelque fil trop bien rangé dans sa mémoire…
Sur quelques centaines de kilomètres, de Çannakale à Antalaya, la côte sud-ouest regorge de sites historiques très riches. Depuis deux décennies, de gros efforts de l’État turc ont permis d’améliorer considérablement les conditions de circulation: la chaîne montagneuse du Taurus entre Izmir et Marmaris se traverse preque entièrement grâce à un réseau de routes à quatre voies. Les activités engendrées par le tourisme participent à l’élan économique du pays, et les Turcs avec qui nous parlons sont très fiers de l’amélioration de leurs conditions de vie. Ils sont également conscients de leur disparité, et nourrissent, me semble-t-il, un certain ressentiment à propos du manque de confiance affiché par les hésitations européennes.
Car sur ces terres, ce sont les premières civilisations qui nous ont laissé en héritage l’idée que l’Homme, à l’égal des dieux, était Maître de son destin. En ce lieu, sur les étendues d’herbes sèches où nous admirons les colonnes doriques destituées de leur majesté, dans ces champs de statues défiant les ravages des temps, nous courrons après le miroir de nos illusions. Quelle civilisation parmi toutes celles qui ont bâti ici cité et royaume, forteresse ou mausolée, temple et agora, quelle est celle qui a donné à l’homme le plus de chance de se réaliser ?
Quatre millénaires avant l’ère chrétienne qui nous sert de jalon comptable, les Hittites, les Attis, les Sumériens, les Assyriens, les Arméniens, les Phrygiens et les Lydiens, les Perses, des Égyptiens enfin les Hellènes avant les Romains, ont vécu, combattu, construit, marchandé et cultivé, créé des réseaux et avili d’autres hommes, étendu leur territoire avant de péricliter .
Tombeau Lycien de Caunos IVè siècle avant JC
D’autres ont suivi sur ces terres mêmes, et cette poursuite vitale n’est évidemment pas achevée. Après les bouillonnements du Christianisme triomphant et l’errance du Schisme de 1054, Constantinople et l’influence byzantine ont fini par refluer sous l’invasion des Seljukides, venus de l’Est au XI siècle. L’Empire Ottoman à partir du XVe fera trembler l’Occident sur ses bases, des rives du Maghreb aux portes de Vienne… On voit trop bien maintenant combien la Turquie moderne demeure un nœud gordien dans l’équilibre des forces au Moyen-Orient, carrefour d’influences profondes… Avons-nous eu raison de la maintenir dans l’entrebâillement de notre porte ? Vaste débat.
Retour sur les magnificences de Milet, cité rayonnante du VIIe siècle avant notre ère jusqu’au IVe après JC… Port marchand et surtout cité intellectuelle flamboyante, patrie d’un certain Thalès dont la mémoire hante toujours les classes de nos lycées.
Pour l ’anecdote, la rencontre de ce Thalès ( 625-547) nous adresse une jolie leçon d’humilité. Outre ces talents de mathématicien et de philosophe, le bonhomme était rusé politique et fin connaisseur en astronomie. Wikipédia vous contera comment son nom est associé au calcul d’une éclipse solaire, mais j’aime assez la version de notre guide Yalçin ( se prononce Yoltchen !!!) pour vous la rapporter.
Thalès avait acquis une jolie fortune fondée sur la renommée de ses talents philosophiques et de l’école qu’il avait créée. Cependant, on peut être sage et dépenser sans compter… Notre Maître se trouva donc un jour trop dépourvu pour honorer ses dettes envers un certain créancier irascible de surcroît. Acculé par les raisons pugnaces du paysan mauvais prêteur, Thalès eut l’idée lumineuse d’engager un pari osé, en faisant miroiter l’alarme du jour vaincu par la nuit en plein midi. L’homme un peu balourd accepta le pari… Le lendemain, à son grand effroi, les ailes de la nuit s’étendirent sur ses champs. Frigorifié par la disparition de l’astre du jour et la crainte de perdre ses récoltes, il se rendit, bien obligé d’acquitter son débiteur.
Accès aux thermes de Faustine
De l’usage successif des lieux… De la majesté des thermes ioniens à la modestie de l’échelle byzantine .
19:47 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : récit de voyage, écriture, turquie, photos, milet | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Après avoir parcouru ton site, je reste sidérée. Je voyage à nouveau. Très belle écriture dotée d'une grande culture et haute richesse. Bonjour à vous deux.
Avec toute ma sympathie.
Marie-Odile.
Écrit par : bedo | 05/08/2011
Merci de ce commentaire super encourageant!
J'avais l'intention de continuer en racontant aussi la croisière, mais ici, les vacances sont finies pour moi! Depuis le retour, c'est notre tour de recevoir nos enfants, et les séjours se suivent… Plus une minute à moi, mais beaucoup de joie à partager en famille .
Je suis touchée que tu sois passée sur gouttes do. C'est ma respiration perso. Et je suis contente de voir que tu penses à nous
Amitiés à vous deux. Odile
Écrit par : ode | 06/08/2011