Les lisières (18/07/2014)
Roman en forme d’autofiction ou autofiction qui fait semblant d’être un roman ?
Assurément le lien entre réalité et fiction est ténu dans cette oeuvre d’Olivier Adam. Quand s’ouvre le récit, Paul Steiner, le narrateur, traverse une passe difficile. Il refuse d’admettre que la séparation imposée par son épouse est irrémédiable. Bien qu’il ait déménagé dans la même rue de sa cité bretonne, il souffre du manque de ses enfants au quotidien. Mais la remise en question n’est guère profonde : il sait être et avoir toujours été un être tourmenté, et jusqu’alors, sa famille fonctionnait. La lassitude de Sarah ne peut être que temporaire, il se persuade que la désagrégation de son couple ne peut être qu’une étape provisoire.
Quand son frère aîné lui demande de le relayer auprès de leurs parents vieillissants, il prend cette requête pour une corvée malencontreuse de plus. Paul a quitté depuis longtemps la banlieue parisienne où il a vécu son adolescence, tout comme son frère. Cependant François, l’aîné, bénéficie de la posture du « bon fils », tandis que le départ de Paul ressemble plus à une fuite impliquant l’abandon d’une famille et d’un passé où il étouffait.
Très rapidement en effet, les rapports entre Paul et son père prennent un tour d’agressivité mal maîtrisée. Malgré son égocentrisme, Paul réalise que l’état de santé de sa mère est réellement préoccupant. Le déni paternel représente un autre sujet d’inquiétude. Le dialogue entre les deux hommes devient difficile, tant les blessures d’ego sont vives. Le père s’est senti renié par le succès du fils, celui-ci n’a d’autres réponses que la fuite à la recherche des anciens camarades. Ce qui lui permet de constater combien il est loin de leur mode de vie et de leurs problèmes sociaux économiques irrésolubles.
À travers ce qui ressemble à une très longue logorrhée nombriliste, olivier Adam parvient à poser des état de faits assez pertinents : le marasme des banlieues, l’engluement du couple, le désastre du vieillissement de la population. Trois piliers de ce roman qui nourrissent largement le sentiment de déprime du narrateur …Et du lecteur.
Sans nier les qualités de narration, je confesse avoir éprouvé quelques fatigues à la lecture. Je l’ai dit, tous les problèmes abordés évoquent des faits qui sonnent justes, d’autant que nous y sommes (ou serons) confrontés. Mais le ton du roman, l’angle de vue adopté par le narrateur, double distancié de l’auteur, me ramène à ce que je perçois comme un travers bavard anti-littéraire, même s’il relève d’une pratique courante dans la sphère germanopratine. Olivier Adam ne tente d’ailleurs même pas de disculper son personnage. Il tient le filtre du nombrilisme pour éclairage significatif, ce qui n’est pas entièrement faux d’un point de vue existentiel. Je veux bien concéder qu’il s’agit ici de ma propre fatigue face à cette manière de grever nos relations affectives. Mais à vouloir tout dire, même en 450 pages, Olivier Adam a provoqué en moi un besoin irrépressible d’aller respirer ailleurs… Un livre intéressant, mais pas incontournable.
Les lisières
Olivier Adam
Flammarion Août 2012
ISBN :978-2-0812-8374-9
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