Le Dernier Amour de George Sand (28/12/2015)

Au rayon des biographies, la Bonne Dame de Nohant reste un sujet hors norme, auquel nombre d’ouvrages ont été consacrés. Par son parcours exceptionnel, Femme de Lettres renommée vivant de sa plume autant que par l’anticonformisme affiché de sa vie sentimentale, George Sand est une figure de notre paysage littéraire, un modèle de féminisme longtemps avant l’émergence du Mouvement, une icône du Romantisme autant que des fantasmes romanesques.

Pour avoir rencontré Évelyne Bloch Dano en septembre dernier lors de la fête du Livre, j’ai perçu la subtilité de cette écrivaine qui ne cherche en aucune façon à exploiter le caractère scandaleux d’une vie privée agitée. En se penchant ici sur le Dernier Amour de George Sand, c’est en témoin vigilant et en femme solidaire qu’Évelyne Bloch Dano expose les émois, la fraîcheur, les scrupules et les détresses d’une femme privilégiant la sincérité de ses sentiments contre ses intérêts.

Elle n’est déjà plus si jeune en 1849 quand elle reçoit à Nohant une petite assemblée d’invités pour partager les fêtes de fin d’année, comme de coutume. Cependant, Aurore a fêté ses quarante-cinq ans, son grand amour Frédéric Chopin est mort quelques mois auparavant, alors qu’ils étaient déjà séparés depuis deux ans. Il en reste un sentiment amer de gâchis et de brouille, exacerbé par la mésentente avec sa fille Solange. Heureusement, Maurice, son fils, reste son complice de toujours et c’est lui qui invite l’un de ses amis, Alexandre Manceau au « château » familial. Alexandre ne paye certainement pas de mine, il est d’origine très modeste, les réparties brillantes ne sont pas son fort. Pourtant, sa gentillesse, ses attentions et sa disponibilité lui permettent vite de devenir l’hôte indispensable. Maurice n’avait certes pas prévu que se tisse ainsi un lien intime entre l’ami de beuverie et sa mère. Il en est d’autant plus meurtri qu’il ne peut lui-même couper le cordon ombilical.

Mais assumant simultanément avec fierté et modestie sa maturité littéraire et ses convictions personnelles, George impose Alexandre à ses côtés, ménageant la susceptibilité de Maurice et l’ego de son jeune amant. Évelyne Bloch Dano raconte avec humanité les soirées à Nohant, les allers-retours entre la campagne et Paris, les souffrances de la rupture entre mère et fille, la joie et la résurrection de George accueillant sa petite-fille Jeanne Gabrielle, dite Nini comme elle avait elle-même été élevée par sa propre grand-mère. Pour autant, George ne lâche jamais sa plume, consacrant toutes ses nuits à l’écriture, et cette période sera féconde. Le répertoire théâtral comme le catalogue des romans sont considérablement enrichis, d’autant que George connaît quelques soucis pécuniaires, et que ce travail assidu permet de combler quelques trous, Maurice restant longtemps à la charge de sa mère. Évelyne Bloch Dano s’appuie sur la correspondance foisonnante qu’entretient George avec Hetzel son éditeur ainsi qu’avec ses nombreux amis, comme elle partisans farouches d’une société meilleure,  opposant au coup d’État de Décembre 1848 par lequel Louis Napoléon Bonaparte est devenu Napoléon III.

Il faut souligner le travail d’archive rigoureux qui sous-tend le récit. L’auteur contextualise chaque épisode de la vie de son héroïne. Au point que l’ouvrage acquiert la précision d’un outil de recherche, qui éloignera inévitablement les seuls amateurs de narration anecdotique. Mais pour ravira les amoureux des Belles-Lettres et donne vie à l’un de nos plus fins écrivains.

George sand, biographie, La Dame de Nohant, Évelyne Bloch Dano

Le dernier amour de George Sand

Évelyne Bloch-Dano

Éditeur Grasset 2010 Le livre de poche

ISBN : 978-2-253-16200-1

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